Le face à
face entre Créon et Antigone / La pertinence de l’argumentation
Créon
|
Antigone
|
-Il
est prêt à sacrifier ses gardes pour sauver sa nièce.
|
-Elle lui annonce que ça ne servira à rien
puisqu’elle recommencera.
|
-Il veut s’assurer qu’Antigone est consciente de son acte.
|
-Elle lui répond que c’était son devoir
d’enterrer son frère sinon son âme ne trouverait jamais le repos.
|
-Il veut savoir la raison de son
obstination à accomplir ce rite absurde d’enterrement.
|
-Elle lui répond que c’était pour personne,
que c’était pour elle ; manifestant ainsi sa liberté
|
-Il lui rappelle son édit et lui explique
les contraintes qui le confrontent en
exerçant son devoir de roi.
|
-Elle lui reproche d’avoir fait le
choix de gouverner, « il fallait dire non »
|
-Il lui explique que Polynice, pour qui elle
veut se sacrifier, n’était qu’un voyou aussi bien qu’Etéocle : Tous les
deux étaient des ivrognes, durs même avec leur propre père ; ils ne
pensaient qu’au pouvoir.
|
-Elle parait convaincue et s’apprête même à
regagner sa chambre.
|
-Il croit qu’il a réussi à convaincre
Antigone, alors il lui parle du bonheur qui l’attend auprès de son fiancé
Hémon : « la vie, n’est
peut être tout de même que bonheur »
|
-Elle se révolte dès qu’elle entend
parler de « bonheur »car elle refuse le bonheur médiocre et
incomplet ; elle exige le bonheur absolu, ce qui fait d’elle une héroïne
de la tragédie et la conduit vers sa propre mort.
|
Analyse
de la scène Créon / Antigone
I-
Situation du passage :
Arrêtée en flagrant délit, Antigone est traînée avec violence
par les gardes pour comparaître devant le roi. Une fois au palais, ce dernier
met ses gardes au secret et reste seul avec Antigone.
II-
Le personnage de Créon :
Au début, Créon se montre plus tendre, plus protecteur avec
sa nièce mais son véritable intention était de la persuader afin de renoncer à
son projet d’enterrer son frère et de l’obliger à passer à l’acte criminel. Car
juste après il lui avoue : « nous nous ne sommes pas tendres les
uns envers les autres » et se montre brutal prenant même du plaisir à
faire souffrir Antigone : « Moi je suis plus fort comme ça et
j’en profite. » C’est un roi
tyrannique à la politique odieuse prêt à tuer : « on gueule un
ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. » Et tout cela
pour préserver l’ordre de Thèbes. Son sadisme se reflète aussi dans les
tortures pratiquées : arracher les cheveux, couper la langue, tirer les
membres… Mais aussi dans l’exemple qu’il a choisi pour terroriser le peuple de
Thèbes et entraver toute tentative de rébellion : « … pour que
les brutes que je gouverne comprennent, il faut que cela pue le cadavre de
Polynice dans toute la ville, pendant un mois. »
Il justifie ses actes par le devoir du
métier : « C’est le métier qui le veut » et la situation
instable du pays qu’il présente comme une barque qui risque de couler par
temps de tempête alors qu’il est le
capitaine qui essaie de redresser la barre de son bateau. Il se compare aussi à
Œdipe, mais un Œdipe pragmatique et réaliste, différent par un passé sans histoire et par sa famille
non maudite.
Bref, il essaie toutes
les stratégies pour éviter l’inévitable (la fatalité) mais en vain. Il avoue
même ses faiblesses : « oui j’ai peur », son
hésitation : « tu vois dans mes yeux quelques choses qui
hésite. »
III-
Le personnage d’Antigone :
Antigone est forte par ses croyances et ses idéaux. Le devoir
religieux, familial, personnel lui tient tête avec courage et ténacité mais
aussi avec conscience de son destin : « je suis là pour vous
dire non et pour mourir. » Son sentiment de liberté et de supériorité face
à Créon la pousse à le mépriser : « vous êtes
odieux », à se moquer de lui : « je ris Créon, je
ris » et même à l’insulter : cuisinier. Sa politique lui parait
odieuse, ses exigences inacceptables : « vos nécessités, vos
pauvretés, vos pauvres histoires » et elle avoue être plus reine que lui
malgré sa peur et sa faiblesse.
Après avoir présenté l’argument religieux et familial,
Antigone met en avant ses objectifs personnels : pour moi ; révélant
ainsi son besoin de tranquillité et de paix, son désir de pureté dans un monde
meilleur sans pêchés, auprès de sa famille et surtout de son père.
IV-
Le duel entre les deux
protagonistes :
Dans ce
duel, nous avons affaire à deux personnages forts et complexes : Créon
essaie de se justifier en expliquant sa politique. De son côté, Antigone
annonce l’objectif et la motivation de son acte. A chaque justification de
Créon, Antigone a une réponse et semble déterminée à aller jusqu’au bout, vers
son destin. Certes, lorsque Créon lui raconte l’histoire sordide de ses deux
frères traitres, comploteurs et assassins elle semble effondrée, perdante de toutes croyances et de toutes illusions. Elle
était sur le point d’abandonner son projet et de regagner sa chambre quand
Créon commet l’erreur de lui parler du bonheur. C’est en ce moment qu’Antigone
reprend le dessus, devient méprisante, ironique, dure et intransigeante ;
face à elle Créon perd son autorité, sa
vanité et son orgueil, son statut et le respect de lui-même. Elle le compare à
un adolescent de quinze ans, à un chien, à un cuisinier et elle fait dégager sa
laideur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire